Souvenir de gamin, souvenir de vacances...
"J’avais 10 ou 12 ans, et comme chaque année je passais en partie mes congés scolaires dans l’atelier de ferblanterie de mon grand père, où l’on me confiait quelques travaux faciles destinés à m’occuper.
Dans la même rue, quelques maisons plus loin, vivait une famille de plusieurs enfants qui, si elle n’était pas dans la misère, était très loin de rouler sur l’or. Un jour, la maman était venue à l’atelier faire remettre un fond à sa bouilloire qui coulait et, en la reprenant, avait promis qu’elle passerait fin de semaine pour payer la réparation.
Pourtant, la fin de semaine était passée, et encore bien une autre aussi sans pourtant qu’on ne la revoie. Mon grand-père dirigeait l’atelier et tenait lui-même ses comptes. c’était Marguerite ma grand-mère qui surveillait les rentrées : elle était donc celle que l’on appellerait maintenant la directrice du contentieux. Et notre Marguerite s’était finalement rendu compte que la note en question restait impayée.
La voilà donc un jour arrivée à l’atelier «fâchée toute rouge», en demandant à mon grand-père s’il avait trop d’argent, vu qu’il laissait ainsi traîner les comptes. Et d’ajouter que si «ces gens-là» n’étaient pas venus payer pour le soir même, c’est elle-même qui irait réclamer ses sous...
Mon grand-père, comme toujours, ne répondit rien, mais une fois Marguerite partie, il se retira un moment dans son bureau, et revint vers moi avec une enveloppe. Comme à l’atelier c’était moi le plus jeune (le gamin), c’était aussi moi qui étais chargé de faire les petites courses. Il me donna donc l’enveloppe me chargeant d’aller la porter chez les "x", pour, dit-il, leur rappeler la note impayée... Ce que je fis aussitôt. Et le jour même, avant le soir, Madame "x" venait s’acquitter de sa dette auprès de ma grand-mère.
Celle-ci vint immédiatement en faire part à mon grand-père, démontrant ainsi devant tout le monde que cela valait la peine de rappeler aux gens leurs obligations...
Quand elle fut sortie, je regardai mon grand-père. Il ne disait rien mais souriait doucement tout seul comme il faisait souvent, et je souris aussi, car, en portant l’enveloppe, j’avais bien senti qu’à l’intérieur il y avait des sous... Ceux que ma grand-mère allait être si fière d’empocher un peu plus tard.
Ce genre de souvenir, je crois, ne s’oublie jamais..."
Jo Simar