Ceci n'est pas une fiction ! Ça se passe à l'hôtel Mercure de Mâcon (labellisé « aménagé pour handicapés") !
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Nous arrivons à la nuit tombée sur le parking et nous arrêtons devant le perron de l'hôtel qui, en effet, possède une rampe d'accès pour chaises roulantes. Mais l'inclinaison de celle-ci est telle qu'il m'est impossible de la gravir par mes propres moyens. Heureusement, ma femme peut m'aider en poussant la chaise.
Mais que fait un handicapé qui voyage seul ?
Une fois les formalités à la réception terminées je reçois la clé et gagne ma chambre pendant que ma femme décharge les valises et conduit la voiture au parking.
J'arrive donc seul devant ma porte, introduit la clé et veut pousser celle-ci qui résiste !
Si elle résiste ainsi c'est parce, dans le but honorable de faciliter la vie aux handicapés, je suppose, elle est munie d'un ferme-porte hydraulique.
Déjà l'introduction de la clé dans la serrure avait posé des problèmes, (dans une chaise roulante, en effet, vos pieds précèdent largement le reste du corps - voir croquis ci-contre). Atteindre cette serrure passe inévitablement par une série de contorsions vous obligeant à plier le buste vers l'avant dans la mesure permise par l'importance de votre embonpoint.
Finalement, jouant (si l’ont peut dire) des pieds et des mains, j'arrive à prendre le dessus sur ce foutu ferme-porte.
Maintenant, petite explication pour ceux qui n’ont jamais eut le plaisir de se déplacer en chaise roulante.
Il faut savoir que les deux mains sont nécessaires pour faire avancer votre véhicule en ligne droite. Or, si l’une de vos mains essaye de maintenir la porte ouverte, luttant contre le ressort du ferme-porte, il n’en reste forcément qu’une pour faire avancer votre chaise, avec le résultat que celle-ci part sur le coté en éraflant la porte avec les poses-pieds.
Poussant la porte vers l'intérieur avec le pose-pieds de ma chaise, et avançant en évitant autant que possible de m'érafler les doigts entre les roues et le chambranle, car, en plus, la marge de manœuvre en largeur n'est que de quelques millimètres, ça y est, j’arrive à passer. Ouf!
Hé oui mais, à ce moment précis, à peine mes roues ont-elles passés le chambranle, que la porte automatique claque derrière moi, me laissant, « automatiquement » dans le noir le plus complet (nuit + rideaux tirés). Pas d'affolement pourtant car dans un cas pareil, il suffit simplement d'actionner l'interrupteur qui doit se trouver aux alentours de la porte d'entrée.
Ah ouiche! Mais . . . il faut aussi savoir que les roues d'une chaise roulante dépassent à l'arrière (voir croquis)
Pas question de faire-faire demi-tour au fauteuil : celui-ci est coincé entre deux murs. A droite le mur de séparation avec la chambre voisine et à gauche celui de la salle de bain.
Il ne me restait plus qu'une solution, la fuite en avant.
Commence alors une progression à tâtons dans le noir, me cognant aux murs, lits et autres meubles pour tenter le demi-tour indispensable. Entretemps ma femme est arrivée et frappe à la porte.
- Chéri, qu’est-ce que tu fabriques ?
- Une minute, j'arrive... (C'est moi qui ai la clé).
Mais dans le noir absolu et dans une chaise roulante, se débattre contre les murs et les meubles dans un espace très réduit : croyez-moi, c'est comme la guerre 14-18, il faut l'avoir fait.
Je n’ai pu y arriver qu’en empilant les chaises sur les lits avec, en plus, la voix de ma femme, amortie par l'épaisseur de la porte, qui s'impatiente en lançant des « mais tu fais quoi mon chéri ? »
Finalement, bousculant le mobilier, éraflant les murs, jurant et tonnant, j'arrive à faire mon demi-tour et regagne, toujours à tâtons, la porte, dans le couloir étroit !
Cette fois le problème est inversé. Je me retrouve, devant la même porte qui ne se laisse toujours pas approcher, buttant de nouveau contre elle avec mon pose-pieds.
Je commence d’abord une recherche des interrupteurs, que j’abandonne très vite, me rendant compte que le rayon d’action de mes recherches est trop limité.
Cette fois, c’est tirer la porte vers moi que je dois faire. Heureusement je ne suis plus seul, ma femme est là dans le couloir qui pourra m’aider en poussant. Mais d’abord je dois toujours m'étendre à la recherche, non de la serrure cette fois mais de la clenche qui s’avèrera en plus être un bouton ROND, bien lisse.
Finalement, à force de contorsions, jurons et transpirations, j’arrive à ouvrir cette damnée porte, la retenant cette fois avec les pieds. Tout ça pour alors entendre ma femme s'exclamer : « Mais enfin, qu'est-ce que tu fais dans le noir ? »
Fin de l'anecdote.
Mais enfin, ces problèmes étaient pourtant prévisibles, et les responsables en étaient conscients car la porte de la salle de bain est coulissante, ce qui règle le problème en permettant de l'affronter de coté et non pas de face. Par contre les dimensions de la salle de bains ne permettent pas la circulation en chaise roulante et est, de plus, équipée d'une baignoire. Quand on sait les difficultés que connaissent les personnes âgées pour entrer et sortir d'une baignoire, pensez à celles que rencontrent les handicapés, et les handicapés âgées pour entrer et sortir d’une baignoire !
Dernier détail, cette chambre spéciale pour handicapés, était au rez-de-chaussée, ce qui est normal pour une chambre d'handicapé. Seulement dans cet hôtel le restaurant est à l'étage . . . et la porte de l'ascenseur est trop étroite pour le passage d'une chaise roulante !
Le personnel, très aimable, a pourtant résolu le problème en me faisant monter par le monte-charge des cuisines, celui qui sert pour le transport des cageots de légumes et des sacs-poubelle.
Une autre façon de s'ouvrir l'appétit.
Vous ai-je dit que l'hôtel Mercure avait trois étoiles et que la chambre double coûtait 75 € ?
Jo